Le Mans Classic 2023
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Le Mans Classic 2023

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À chaque discussion avec un passionné de sports mécaniques, un sentiment de honte m’envahissait. Je n’y connaissais rien, peut-être quelques bases mais pas plus. Pourtant, quand on aime l’automobile, ne rien connaître en course c’est aussi triste qu’un amateur de gastronomie italienne cuisinant des pâtes carbonara avec de la crème fraîche. Heureusement, grâce au cinéma, avec des films comme Rush, ou Le Mans 66, des reportages sur Netflix, des séries de vidéos sur YouTube et aussi quelques bouquins, j’ai pu améliorer mes connaissances théoriques. Outre le fait de pouvoir briller en société, en sortant les dates de tel ou tel événement notoire, ça permet d’apprécier la mise en pratique. Celle où l’on se retrouve aux abords d’un circuit, face à des monstres mécaniques, pour la course ou pour le show, comme au Mans Classic. Ça permet d’avoir un socle sur lequel baser son appréciation. Et, comme mise en pratique, que rêver de mieux qu’une introduction dans la course d’endurance la plus célèbre du monde l’année de son centenaire ?

C’est la fête dans la Sartre, à peine arrivés dans l’enceinte du circuit, nous sommes immergés dans une sorte de festival de la bagnole. Avant d’apercevoir les paddocks et le circuit, ce qui frappe le plus c’est le nombre de passionné.e.s réuni.e.s, souvent avec leurs bolides. Des bolides oui, car ici, des parkings visiteurs à ceux des nombreux clubs, du camping aux petites rues d’Arnage, on sent que le leitmotiv est de conduire une voiture qui procure le maximum de sensations de vitesse. Ça fait plaisir, et je ne m’étais jamais senti aussi bien entouré lors d’un événement automobile. Comprenez, chaque voiture que vous croiserez est exceptionnelle soit par sa rareté, ses spécificités techniques, soit parce qu’elle est modifiée pour correspondre aux critères d’une voiture d’arsouille. Et, comprenez aussi, qu’à chaque fois que vous croiserez quelqu’un, si vous tendez l’oreille, vous entendrez parler de course, de moteur, et d’autres mets plus fins les uns que les autres. Ouh, oui, ça fait plaisir, et ça donne l’eau à la bouche pour ce qui va suivre…

Sur cet événement, qui est le plus grand événement d’automobiles classiques au monde [c’est Français, pas mal non, ndlr], ce qui motive les troupes, c’est de voir les plus grands monstres sacrés des 24H du Mans. Ce qui est chouette, c’est que les paddocks sont ouverts au public ! Vous pouvez donc vous promener et observer chaque voiture, mais surtout prendre part à de beaux moments de mécanique. Notamment, les mises au point de dernière minute, les mises en chauffe, mais aussi des réparations comme celle subie par une des BMW M1 engagées, qui, ayant explosé son moteur, recevra une lourde opération durant le week-end. Vraiment, il y a de l’ambiance.

« À chaque fois que vous croiserez quelqu’un, si vous tendez l’oreille, vous entendrez parler de course, de moteur, et d’autres mets plus fins les uns que les autres. »

Si vous êtes un amateur de technique, n’hésitez pas à discuter passionnément avec les équipes qui restent toujours proches des capots levés, clefs en main. Les paddocks sont une sorte de repère pour les geeks de la mécanique. Il est toujours amusant de remettre en perspective la vitesse et la puissance des véhicules, peu importe leur génération, et de comparer les choix d’ingénierie employés pour que les voitures tiennent la route à haute vitesse, soient fiables et surtout devant la concurrence.

D’ailleurs, le Mans Classic ne reprend pas le format de la course des 24h. Bien que le circuit d’endurance soit ouvert, ce qui n’arrive qu’à deux reprises dans l’année, l’événement ressemble plus à une messe qu’à une course. Les voitures sont regroupées par années en plusieurs plateaux, six au total. Trois plateaux « bonus » regroupent les voitures du Groupe C des années 90, les Porsche, et les légendes du Mans. Chaque plateau roule une heure par session, enchaînant les époques quasiment non-stop pendant trois jours. Ce qui est génial, c’est que tout visiteur, quelque soit sa génération, trouvera son compte et se remémorera des souvenirs d’une époque qu’il a connue ou fantasmée. Ces explications sont la parfaite transition pour ce qui est le plus excitant : la course. 

La course. Certains pilotes jouent la gagne et offrent du spectacle derrière le volant de voitures inestimables. C’est superbe. Les plus beaux moments sont sûrement ceux que l’on passe à quelques mètres de la piste. Des instants privilégiés où l’on est soufflé par le passage d’une GT40 en fond de 4e, d’une Porsche 917 à pleine charge, d’une Sauber C9 crachant des flammes, ou d’une Bugatti type 35 râlant à chaque rétrogradage. On prend la mesure de l’évolution des voitures sur cette dernière centaine d’années et on ne peut qu’être impressionné par les compétences que l’Homme emploie pour être de plus en plus rapide sur terre.

En poussant le curseur de cette réflexion, je suis aussi admiratif du travail des ingénieurs qui réussissent à faire décoller des fusées vers la lune, que de celui de ceux qui construisent des fusées capables de boucler les 13,6 kilomètres du circuit sous les 4 min, et ça pendant une journée entière. Si vous le pouvez, faites l’expérience accompagné.e d’un.e ami.e qui saura vous guider et partager avec vous des anecdotes sur les pilotes, les voitures, les moments importants d’une course : vous serez alors comme dans un musée vivant et l’expérience n’en sera que plus forte [merci Paul ndlr].

Peut-être est-ce générationnel, mais les Groupe C sont les voitures qui m’ont le plus impressionné. Porsche a assis sa domination et continue d’écrire son histoire grâce à cette catégorie, mais elle illustre aussi le retour de Peugeot avec la magnifique 905 ou d’autres mythes comme la 787B de Mazda ou encore les folles Jaguars V12 XJR-9. Le son de ces voitures, à moteurs atmosphériques, vous tape les tympans et vous oblige à porter un casque si vous ne voulez pas saigner. C’est brutal. En comparaison aux voitures engagées sur le week-end, ce sont les plus modernes. Mais elles datent du début des années 80 à celui des nineties ; aujourd’hui des voitures de plus de 35 ans. Des antiquités et pourtant, leurs vitesses de passage en courbe et de pointe sont impressionnantes. Même en plein jour, on aperçoit les freins rougir et cracher des étincelles par les jantes en magnésium. La gomme laisse des traces au sol que ça soit lors d’accélérations ou de freinages. Il y a des arrachements de matières, comme si la voiture voulait s’alléger d’elle-même pour aller encore plus vite.

« Le son de ces voitures, à moteurs atmosphériques, vous tape les tympans et vous oblige à porter un casque si vous ne voulez pas saigner. C’est brutal. »

En évoquant les freins qui rougissent, on pense forcément à la nuit. Et il s’en passe des choses la nuit. La chasse à la BMW M1 par exemple, qui a été un objectif pour l’équipe de Machinistic. Pour ce faire il a fallu marcher de longues minutes le long du rail de sécurité des Hunaudières, l’appareil photo bien réglé pour essayer de capturer ces bêtes féroces, hurlant et déchirant le ciel à chaque passage. Le silence et le noir total de la forêt entourant la ligne droite sont presque effrayants, mais pas autant que l’atmosphère que dégagent les Porsche Kremer, Ferrari BBLM et les autres voitures des années 70 sur leur passage. On sent un souffle chaud qui vous réchauffe le dos, vous êtes soudainement comme en plein jour éclairé par les flammes qui sortent des échappements et le silence est abattu par le son de la combustion des moteurs en furie. C’est beau à pleurer, et alors que le soleil pointe le bout de son nez, quelques larmes roulent le long de nos joues. L’émotion est palpable.

Pour le spectacle, un départ type Le Mans est organisé une fois dans le week-end. Cette tradition a été abolie pour des raisons de sécurité en 1969. Notamment grâce à Jacky Ickx qui fit le départ en marchant lors de l’édition ‘68 en signe de protestation. Les voitures des années ‘30 sont alors mises à l’honneur : de vieilles Bentley, BMW 328 et autre Bugatti se stationnent dans la ligne droite des stands dans un vacarme que seuls de vieux 8 cylindres en ligne savent faire. Pendant cette démonstration, ce n’est pas l’ouïe qui est la plus mise à l’épreuve, c’est l’odorat. Une fumée bleue est coincée entre les tribunes, l’air est soudainement chargé d’huile non brûlée ; ça sent très bon et ça nous plonge dans une époque lointaine. Deux vieux avions biplans font un passage comme à l’époque, les pilotes sont de l’autre côté de la piste, face à leur fier destrier, et au coup de pistolet ils courent jusqu’à leur siège pour partir en tentant de ne pas écraser les retardataires. C’est spectaculaire, daté, et surtout amusant de pouvoir assister à ce spectacle.

C’est une phrase que l’on entend souvent dans la bouche de ceux qui vivent une belle expérience, il faut vivre une fois un événement comme Le Mans Classic. Déjà, car il permet d’en apprendre beaucoup sur un pan de la course automobile, mais aussi pour l’ambiance et pour les rencontres que vous pouvez y faire. Le vintage racing revient en force, parce qu’il rappelle des époques où il fallait être fou pour oser défendre sa place sur une piste à des vitesses bien trop élevées pour les techniques employées et les risques pris pour la gagne. Nous n’avons qu’une hâte, y retourner l’an prochain, et aussi assister aux 24H du Mans pour découvrir le pendant actuel de ce que nous avons découvert ce week-end-là.

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